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Boursonomics

  • : Boursonomics
  • : Marche aléatoire autour des Marchés financiers et de la sphère économique. Peinture décalée d'un monde empli de certitudes qui oublie trop souvent ses leçons d'Histoire
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8 octobre 2006 7 08 /10 /octobre /2006 02:38
 
 
La balafre court sur 250 kilomètres, d’est en ouest à travers la péninsule ; défenses antichars, batteries camouflées, sentinelles prêtes à tirer, et barbelés sur lesquels s’agrippent d’effrayants panneaux aux têtes de mort signalant les champs de mine à l’entour : près de la zone démilitarisée (DMZ) qui sépare les deux Corée, rien n’a vraiment changé depuis l’armistice de 1953. Dans ce corridor de quatre kilomètres de large, les deux camps s’observent ; ici, le temps s’est figé. A peine 60 kilomètres au nord, les orgues de Staline de Pyongyang visent Séoul. Une armée d’un million de soldats dont 70% massés aux abords de la DMZ, demeure l’arme au pied, nantie de dix mille pièces d’artillerie et lance-missiles dirigés sur la capitale adverse où se presse 40% de la population sud-coréenne ...
 
Selon les estimations américaines, un conflit fraternel pourrait faire plus d’un million de morts dans les premières semaines 1. La puissance nucléaire ne ferait pas mieux. Sinistre constat ! Aux pays des matins calmes, la sérénité se porte crispée.
 
Dès 1991, l’administration américaine s’inquiéta des activités du complexe de Yongbyon, et de son réacteur à graphite. Le traité de non-prolifération (TNP), qui autorise l’atome civil, accorde des droits d’autodéfense aux pays non détenteurs d’armes nucléaires qui seraient sous la menace de ce type d’armement. Précisément, les Etats-Unis en possédaient en Corée du Sud, qu’ils retirèrent à l’initiative de Georges Bush senior au soir de son mandat. Dès janvier 1992, Bill Clinton cessa cette diplomatie, axant toute son action vers l’économie, sans un oeil pour Pyongyang. Six semaines plus tard, Kim Il-Sung intrigua, et annonça son retrait du TNP au motif que les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) étaient aux ordres de la CIA. La crise ainsi déclenchée, envenimée par une formidable propagande allait durer dix-huit mois et s’aggraver dramatiquement quand, en mai 1994, la Corée du Nord déchargea du réacteur de Yongbyon 8 000 barres de combustible irradié contenant assez de plutonium pour fabriquer cinq ou six bombes atomiques 2. Fin juin, Bill Clinton s’apprêtait à frapper en Corée du Nord. L’ancien président Carter s’envola pour Pyongyang, où il obtint de Kim Il-Sung l’engagement d’un gel total du complexe de Yongbyon. On l’avait échappé belle.
 
La diplomatie prit alors la main, et l’on joua au chat et à la souris jusqu’en 2002 : les services de renseignement américains, qui détenaient la preuve que la Corée du Nord avait commencé en 1998 à importer des technologies concernant un nouveau programme nucléaire d’enrichissement de l’uranium, crevèrent l’abcès. Le nouveau maître de Washington traça l’Axe du Mal ; les nord-coréens en étaient, qui admirent qu’ils auraient conclu avec Islamabad un accord prévoyant le transfert de missiles nord-coréens au Pakistan contre de la technologie pakistanaise d’enrichissement de l’uranium. De quoi fabriquer une ou deux très grosses bombes atomiques par an, sur le modèle de celles du Pakistan 3. L’accord-cadre de 1994 sur le gel du réacteur de Yongbyon était nul et non avenu. Selon la méthode de son père, Kim Jong-Il expulsa fin 2002, les inspecteurs de l’AIEA, dénonçant comme lui des instruments de Washington, et commença ensuite à charger de nouvelles barres de combustible à Yongbyon. Le 10 janvier 2003, elle annonçait qu’elle se retirait du TNP et que toute sanction prise à son encontre par le Conseil de sécurité de l’ONU serait considérée comme une « déclaration de guerre ». Depuis, on se menace.
 
Jusqu’à présent, les missiles nord-coréens ont fait pschitt … ce qui évidemment ne signifie pas que les prochains ne feront pas boum ! Souvenons-nous des Scud Irakiens de la première guerre du Golfe qui nous promettaient l'apocalypse et dont nul ne se souvient plus, à brûle-pourpoint, s'ils ont fait le moindre blessé. Comme d'habitude, quelques dictateurs font monter la mayonnaise pour exister sur la scène internationale. Dans ce chantage à la terreur, la Corée du Nord refait régulièrement surface. En dernier lieu, au mois de juillet, Pyongyang avait tiré une salve de missiles qui avait inquiété ; Shinzo Abe, alors simple porte-parole du gouvernement japonais, aujourd’hui premier ministre, avait évoqué la possibilité pour le Japon de recourir à une frappe préventive contre son voisin nord-coréen – précisant peu après que Tokyo n’en avait pas l’intention 4. En réalité, Pyongyang recherche la manne internationale, sans autres moyens de l’attirer sur son sol que par l'épouvante que ses dirigeants font régner en surfant sur les oppositions des grandes puissances (Chine et Russie d'un côté, le reste de l'autre). Souvenons-nous que Bill Clinton tenta, après l’accord de 1994, de parvenir à un accord global en offrant une aide économique contre le gel du programme nucléaire. C’est le cœur du problème.  
 
La Corée du Nord recherche de l'argent pour nourrir - un peu - son peuple affamé par un stalinisme plus stalinien que le stalinisme pensé par Staline lui-même, ce qui est peu dire ! Mais qui peut bien en vouloir à la Corée du Nord ? Qui peut bien menacer des intérêts quelconques de la Corée du Nord qui précisément n'en a aucun ? Personne bien sûr ! Les oligarques népotiques de Pyongyang ont donc le jeu facile : gesticuler, menacer la paix mondiale pour survivre et grappiller les capitaux qui entretiendront ce système préhumain. Mi-juillet, des inondations monstres auraient fait 10000 morts, navré une part importante des récoltes 5 … Pendant ce temps, on parade et on agite les drapeaux dans des défilés ubuesques multicolores. L’affaire peut durer un certain temps : mais qui a vu l'impensable effondrement de l'Union Soviétique ne doutera pas de l'implosion programmée de la Corée du Nord. Car, inéluctablement, viendra le temps, où le système s'autodétruira, asphyxié par ses propres sécrétions Et le monde sera alors pris de nausée ...




 
(1) Le Monde, le 07/02/2003
(2) Le Monde Diplomatique, Février 2003

(3) Cyberscopie, Juillet 2004
(4) Le Monde, le 14/07/2006
(5) La Dépêche du Midi, le 03/08/2006

  
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commentaires

L
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> En apprenant le 9 octobre la nouvelle de l’explosion souterraine d’un engin nucléaire en Corée du Nord, Lyndon LaRouche a commenté : « Il est clair que le gouvernement Bush a exercé toutes les pressions possibles sur les Nord-Coréens justement pour les amener à conduire cet essai souterrain, somme toute mineur. Il leur a dit de s’incliner ou de la fermer. Ce gouvernement voulait cet essai. Il a tout fait pour en arriver là - et nous y voilà. Les seuls à qui il faille reprocher cet essai, ce sont les Etats-Unis. Les Coréens voulaient en fait de la nourriture, ils ont beaucoup de gens affamés. »<br /> Cette évaluation a été confirmée par un ancien ambassadeur américain en Corée du Sud, qui a confié à l’EIR : « C’est la méthode de l’intimidation brutale. Les Etats-Unis menacent et menacent encore en Asie, tout comme ils l’ont fait au Moyen-Orient, et ils vont en payer les conséquences. » D’après lui, le gouvernement américain est content que cet essai ait eu lieu.<br /> La radio publique iranienne a également tenu Washington pour responsable de cet essai : « Non seulement les Etats-Unis n’ont pas levé les sanctions qu’ils avaient imposées à la Corée du Nord, mais ils ont même augmenté la pression diplomatique. C’est cette pression qui amena Pyongyang à conduire son essai nucléaire. » Le rapport concluait que cet essai est « la réponse nord-coréenne aux menaces américaines et à l’humiliation subie ». Un ancien diplomate allemand en Chine a fait le lien avec la politique de non engagement de Washington dans les entretiens à six. Tout comme l’ancien ambassadeur américain cité, il craint une riposte militaire de la part du Japon.<br /> L’ancien chef d’état-major pakistanais, le général Mirza Aslam Beg, a également lié l’explosion aux pressions et menaces d’attaque militaire. Le général Beg, comme bien d’autres, a déploré la politique de deux poids, deux mesures en matière de technologie nucléaire : oui pour Israël et l’Inde, non pour la Corée du Nord et l’Iran (avec son programme civil).<br /> Alors que l’ambassadeur américain à l’ONU, John Bolton, et le président Bush ont employé une rhétorique incendiaire, parlant de « menace à la paix et la sécurité internationale » et d’« acte provocateur », la réponse russe et chinoise était ferme, mais mesurée. Tous deux appellent à une reprise des entretiens à six. LaRouche pense que Moscou et Pékin tenteront de calmer le jeu, dans la perspective des élections américaines.<br /> je lis tres souvent les article que tu ecris et qui sont tres judicieux merci a toi<br /> lyly123<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />   <br /> <br /> <br />
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